CERTIFICATION DES COMPTES AVEC RÉSERVES - Attention des dirigeants attirée par les commissaires aux comptes - Obligation des administrateurs de débattre des difficultés portées à leur connaissance - Responsabilité civile des administrateurs (oui) - Com. 9 mars 2010, n° 08-21547
Après avoir relevé que c'est avec la publication au BALO du 3 décembre 2004 des comptes 2003 portant annulation de produits non encore facturés au 31 décembre 2003 à hauteur de 45 056 000 euros que les actionnaires ont, de fait, été avertis de la situation exacte de la société et ont pu constater que tant les comptes que les communiqués portés jusqu'alors à leur connaissance par les dirigeants de la société ne donnaient pas une image fidèle de sa situation, l'arrêt retient que le fait dommageable n'est pas constitué par la difficulté liée à l'absence d'outils de gestion fiables au sein de la société mais par les agissements de ses dirigeants qui, en ce qu'ils ont incité les actionnaires à acquérir ou à conserver les titres de la société, sont à l'origine du préjudice par eux allégué. L’arrêt ajoute que la carence de la société à mettre en place les outils de gestion fiables nécessités par l'adoption de la méthode de comptabilisation à l'avancement, est à rapprocher des communiqués très optimistes qui présentaient la société sous un jour particulièrement favorable, en omettant de rappeler les réserves émises par les commissaires aux comptes mais aussi, en faisant état pour certains d'entre eux, de comptes consolidés pro forma sans préciser que les évolutions d'une année sur l'autre n'étaient pas à périmètre constant. L'arrêt relève encore que ces informations ne faisaient que corroborer les résultats particulièrement favorables publiés jusqu'en 2002 et donner l'image d'une entreprise florissante alors que les dirigeants n'ignoraient pas leur incapacité à gérer efficacement les informations, s'agissant des produits non encore facturés. En l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que le dommage invoqué a pour origine la dissimulation par les dirigeants de la société, au moyen de la diffusion d'une information trompeuse, de la situation financière de cette dernière et que le caractère trompeur de cette information leur a été révélé moins de trois ans avant l'introduction de l'instance, la cour d'appel, qui n'a pas modifié les termes du litige, a légalement justifié sa décision…
Il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les administrateurs ont été avisés des difficultés liées à l'absence d'outils fiables de gestion par les rapports des commissaires aux comptes établis les 10 juin 2002 et 6 juin 2003 ; que l'information financière jugée trompeuse figure dans des communiqués publiés, selon l'arrêt attaqué, les 15 avril 2002, 23 octobre 2002, 14 février 2003, 11 avril 2003, 27 octobre 2003, 29 décembre 2003…
L'absence de sincérité des comptes, liée à l'adoption d'une méthode inadaptée dès le départ à la nature de l'activité de la société et étendue aux nombreuses entreprises rachetées chaque année, ne pouvait échapper au principal dirigeant, ni aux administrateurs avertis (MM. X..., Z... et la société EPF Partners), dont l'attention avait été attirée par les commissaires aux comptes sur le problème essentiel de la valorisation des encours. Il relève que, conscients de l'absence de fiabilité des comptes présentés, M. Y... et les administrateurs de la société ont délibérément retenu les informations qui auraient été susceptibles de remettre en cause l'image de la société telle qu'elle se présentait au regard des comptes communiqués. Il ajoute que s'il est vrai que M. Y... est seul à l'origine des communiqués de presse tronqués, les administrateurs, qui doivent débattre de toutes difficultés portées à leur connaissance, ce qui était le cas des réserves des commissaires aux comptes, ne sauraient arguer de ce qu'ils n'avaient pas connaissance du caractère trompeur tant des comptes que de ces communiqués. La cour d'appel a ainsi procédé à la recherche prétendument omise.